L’interview de Jean Paul Curtay…

LE PARCOURS : POURQUOI ET COMMENT ?

Vous venez de concevoir le Parcours Okinawa, un programme de télécoaching que l’on peut suivre chez soi sur son ordinateur pour apprivoiser de meilleures façons de se nourrir, pour s’approprier les outils les outils de mieux vivre révélés par l’Etude des Centenaires d’Okinawa, une démarche novatrice, on pourrait même dire révolutionnaire… Comment en êtes-vous venu à entreprendre une telle aventure ?

Dr Curtay : J’ai découvert la nutrithérapie aux Etats-Unis en 1980. Cette discipline toujours non enseignée aux médecins qui ne connaissent en nutrition que les relations entre calories et surpoids, sucre et diabète, graisses et lipides sanguins, vitamine D, calcium et os, fer ou vitamines B9 et B12 et anémie, qui ne savent pas diagnostiquer une carence en magnésium, en zinc, en vitamine E, en vitamine B6 , en acides gras oméga 3, pourtant extrêmement fréquentes, a connu ces dernières années une croissance exponentielle. Le nombre des études disponibles sur les relations entre la nutrition et la santé est phénoménal. Rien que sur le stress oxydatif et les antioxydants travaillent plus de 10 000 chercheurs… Vous imaginez le flux des connaissances nouvelles dont nous disposons. Or quasiment rien ne passe dans la pratique médicale, toujours centrée sur une « guerre à la maladie » qui si elle est effectivement technologiquement de plus en plus efficace, est de plus en plus perdante sur le terrain de la santé publique qui ne cesse de s’aggraver en termes de fréquence de surpoids, de diabète, de maladies inflammatoires, d’allergie, de maladies dégénératives graves comme la maladie d’Alzheimer… On est évidemment ravis d’avoir des antibiotiques pour éviter de mourir d’une infection bête, des antihypertenseurs ou des hypolipémiants quand ils sont indispensables, des anti-inflammatoires, de la chimiothérapie contre les tumeurs, des antidépresseurs…. Mais on aimerait bien ne pas avoir à les utiliser aussi souvent. Cela fait « très mal » en termes de coûts humains et de coûts économiques… Personne ne peut plus ignorer aujourd’hui qu’en faisant de meilleurs choix alimentaires, en bougeant plus, en gérant mieux son stress, en arrêtant le tabac, en assainissant son environnement autant que faire se peut, que l’on peut drastiquement réduire ses risques de maladies de tout poil et durer plus longtemps en forme. Le modèle Okinawa en est, sur 1,3 millions d’habitants, une démonstration retentissante… Celle-ci a fait l’effet d’une bombe lorsque les résultats de l’Etude sont sortis…chez les gérontologues, puis chez le grand public… Les médecins, eux, continuent à jouer les rôles qui leur ont été enseignés et qui se résument dans beaucoup de cas à « distributeurs automatiques de médicaments ». De toutes manières, ils ne sont ni formés, ni encouragés à faire de la prévention. Il faut savoir qu’une consultation de prévention n’est pas remboursable par les caisses de sécurité sociale. Alors, heureusement, il y a bien sûr des médecins fatigués de ce système déprimant, qui se sont intéressés à acquérir, en plus des outils thérapeutiques, des outils capables de renforcer leurs patients contre les risques d’infection, d’inflammation, de maladies cardiovasculaires ou de cancers… et qui se sont formés à leurs frais à la nutrithérapie et autres techniques d’optimisation de la santé. On estime leur nombre en France entre 5000 à 8000. Mais ils restent encore une minorité mal comprise, parfois mal vue, dans le modèle dominant. Pour faire changer les choses, le moteur le plus efficace est la demande du public. Regardez l’environnement : quand l’air pue, que la quasi-totalité des rivières est polluée (avec le dossier du PCB on découvre que c’est infiniment plus grave que ce que les plus pessimistes pensaient), quand les choses deviennent inacceptables, le système finit par muter – de mauvaise grâce, après avoir caché, colmaté, résisté de toute son inertie pendant des décennies… En ce qui concerne l’amiante dont les dangers étaient connus depuis 1906, pendant presque un siècle. Mais si on prend l’exemple des fruits et légumes, le « nouveau » cheval de bataille du PNNS, les études premières montrant l’effet positif sur la santé d’une consommation accrue remontent à plus de… 70 ans ! En attendant cela fait combien de maladies et de décès précoces qui auraient pu être évités ? Ce n’est qu’un tout petit début. Le tabac, la malbouffe, les carences en vitamines, en minéraux, en acides gras oméga 3, le stress… détériorent la santé de l’ensemble de la population, entraînent une multiplication du surpoids, du diabète, des risques cardiovasculaires, des cancers, des maladies inflammatoires … et de la consommation médicale…mais là le système ne s’est pas encore fissuré malgré la conscience croissante du public. J’ai donné des conférences, formé des médecins, écrit des livres et des livres… et j’ai fini par m’apercevoir que l’efficacité de cette démarche était insuffisante… Quand on évalue ce que retient le lecteur d’un livre c’est autour de 10%. Ce qu’il applique ensuite dans sa vie courante, durablement, c’est autour de 10% des 10%…Il faut être réaliste, chacun est occupé, attaché à ses habitudes, fréquente des commerces, des proches qui sont aussi ancrés dans de vieilles habitudes…. Il fallait trouver quelque chose de plus dynamisant, de plus facile à capter. L’idée m’a été donnée par Frédéric Soussin, un spécialiste de la communication par les moyens informatiques que j’ai rencontré à Pau où la Mairie a soutenu plusieurs actions pour promouvoir la nutrithérapie (des conférences sont accessibles en permanence sur le site de la ville www.pau.fr). Donc, oui, un livre c’est gros, je commence par quoi ?…, c’est difficile à digérer. Alors tous les jours une petite touche à apprivoiser, à intégrer dans sa pratique immédiatemment, puis progresser sur la distance, voilà ce qui donne plus de chances d’y arriver, d’adopter de meilleures façons de se nourrir, de respirer, de bouger… de vivre pour se sentir mieux. C’est de là que le Parcours est parti.

Comment se passe le parcours Okinawa ?

Dr Curtay : Tous les matins, 5 jours sur 7, pendant 9 mois, vous recevez un mail. En cliquant sur le lien apparaît une vidéo qui me permet en 5 à 10 minutes de communiquer la « petite touche » du jour. Puis le « parcouronaute » a son avancée du jour à réaliser, ce qu’il va faire en pratique est décrit en quelques lignes … c’est agrémenté d’une « citation du jour ».

L’alimentation est elle seule concernée ?

Dr Curtay : L’alimentation est essentielle, mais pas suffisante. Le modèle crétois concernait seulement l’alimentation. Le modèle Okinawa nous a appris que le rapport à l’aliment est au moins aussi important que le choix alimentaire lui-même. Si vous arrivez stressé à table, tendu, si vous mangez avec un journal télévisé qui fait fumer une atmosphère de catastrophe au dessus des assiettes, vous ne pouvez pas apprécier ce que vous mangez, vous ne sentez pas quand vous avez rempli votre estomac, vous continuez à vous remplir, vous en venez à laisser la nourriture vous envahir. Le remplissage stomacal est le psychotrope relaxant le plus utilisé dans le monde. On n’est plus en face d’une source d’énergie ou de nutriments pour vos cellules, vos muscles, votre cerveau, vos os, on est devant une drogue. Le modèle Okinawa montre que l’on peut redonner via plus d’attention aux « voyages gastronomiques » d’aliments dégustés lentement, à l’assiette son statut de source et de plaisir et de santé, en réduisant quasiment à néant tout risque de surpoids. A Okinawa, les Anciens ne considèrent pas possible de s’asseoir à table stressés. Ils iront d’abord marcher un peu, discuter avec le voisin, jouer un peu de guitare ou au croquet avant de revenir face à l’assiette en position calme, de libre choix, d’appréciation. Dans le Parcours il y a donc beaucoup d’outils destinés à gérer le stress autrement que par la bouffe ou le grignotage, l’alcool ou le tabac. Cela va de « moments pour soi » avant les repas à la « musculation » de notre aptitude au bonheur.

 

PROGRESSION, SURPOIDS ET COMPLÉMENTS
Comment progresse t’on dans le parcours ?

Dr Curtay : Au premier trimestre, j’explique ce qu’il y a à gagner à manger plus de ceci ou moins de cela, à respirer à fond, à gérer son stress… je donne les outils qui facilitent la reprise de la fondamentale liberté de choix, comme la « campagne de pub » personnelle… C’est une façon de se faire à soi-même la promotion de ce que l’on veut adopter an place de vieilles habitudes moins fructueuses. Et on se familiarise chaque jour avec un de ces nouveaux outils de mieux vivre. Au deuxième trimestre, il s’agit de passer à la vitesse supérieure, à l’automatisation (je veux dire le faire sans plus avoir besoin d’ y penser) et à l’intensification des nouvelles habitudes dans chaque situation de la vie courante : au lit, au lever, dans la salle de bains, à table, dans les transports, dans les magasins où l’on achète sa nourriture, dans son jardin… Lorsque l’on apprend à conduire une voiture, il faut penser à appuyer sur la pédale de débrayage… après quelque temps c’est automatique, on n’a plus besoin d’y penser. Avec le Parcours, on ne vit plus tout à fait comme avant. Le fait d’être dans son bain devient par exemple une occasion de faire quelques mouvements et de s’offrir une « micro-vacance ». La journée est ponctuée de ces micro-vacances que les études ont montrées nécessaires à la fois pour éviter d’accumuler les tensions, mais aussi pour être plus performant. Par ailleurs l’efficacité d’une activité n’est atteinte qu’à partir d’un certain seuil d’intensité … Alors on y va, lentement, progressivement, mais sûrement. Ce sont les bénéfices ressentis par le « parcouronaute » qui sont le moteur principal de la progression. Par exemple, le fait de respirer plus à fond donne tout de suite plus de concentration, le fait de monter chaque semaine un étage d’escalier de plus, on se sent de moins en moins essoufflé, de plus en plus solide sur ses jambes, le fait de prendre un petit moment pour soi avant les repas et de mieux goûter les aliments permet de se lever plus léger et plus tonique de table, le fait de disposer de tout un éventail d’outils d’auto-traitement épargne de l’énergie et donne très vite plus de vitalité, le fait d’injecter dans chaque journée un moment d’appréciation remonte l’humeur… Le parcouronaute dispose aussi d’un bilan de ses facteurs longévité-santé qui lui donne une évaluation plus objective au départ et en cours de progression. Et il n’y a aucune raison de s’arrêter de se faire du bien. C’est l’axe principal du troisième trimestre. On va plus loin, on entre aussi plus dans les dimensions du développement personnel, de la créativité, de la réalisation de soi, du renforcement du tissu de soutien affectif. Tout cela complète, comme l’Etude d’Okinawa l’a montré, la nutrition, le mouvement, la gestion du stress. Sous le comportement alimentaire il y a beaucoup de choses. Il ne faut pas oublier que se nourrir est un comportement instinctif primal, une prédation indispensable à la survie. Beaucoup de frustrations affectives, sexuelles, professionnelles… mènent à ce que l’on peut appeler des « prédations déplacées » sur la nourriture (ou l’alcool, le tabac, ou des achats dits « compulsifs »)… Plus on se sent une personne complète, réalisée, moins notre cerveau « reptilien » est remonté, moins on a besoin de se remplir l’estomac. Avec ce que l’on sait aujourd’hui, on ne peut plus faire l’économie dans un programme de coaching santé de « nourrir » ces autres dimensions.

Cela doit donc être encore plus vrai en ce qui concerne le surpoids, le Parcours mène-t-il à une perte de poids ?

Dr Curtay : Pour les personnes déjà minces non. Elles vont plutôt gagner un petit peu de poids, mais en muscle. Pour les personnes au gabarit moyen, oui, elles auront tendance à perdre du tissu adipeux au profit de plus de masse musculaire. Elles perdent en moyenne de 5 à 10% de leur poids total. C’est lié au fait que dans la façon de manger à Okinawa, on fait plus d’énergie avec moins de calories. C’est facilité par un nouveau rapport à l’aliment, de non-dépendance, de libre choix, de « fun », plus que de compulsion à se remplir pour se détendre ou se « venger » de frustrations plus ou moins occultées… C’est potentialisé par des compléments alimentaires qui aident à dynamiser le métabolisme. Pour les personnes qui sont vraiment en surpoids, la perte peut être nettement plus élevée. Elle se fait sans privation, lentement, associée à une restructuration de la composition corporelle, dans laquelle le tissu adipeux est progressivement perdu alors que le tissu musculaire – celui qui dépense – se redéveloppe. Un système plus centré sur le surpoids, le Système Minceur Zen Durable a été développé à partir du Programme Okinawa.

Le Parcours inclut, si j’ai bien compris, la prise de compléments alimentaires. Est-ce le cas aussi à Okinawa ?

Dr Curtay : Au Japon et à Okinawa beaucoup de gens prennent des compléments alimentaires. Il y avait des traditions de complémentation très anciennes. On a découvert par exemple que le premier empereur de Chine, celui qui a fait enterrer à Xian une armée de 7000 soldats en argile autour de son tombeau, prenait des compléments, probablement à base de plantes. Les anciens d’Okinawa ne prennent pas de compléments alimentaires comme ceux qui ont été développés ce dernier siècle. Il est important de comprendre que le Programme ne repose pas sur une copie de ce que l’on fait à Okinawa, mais sur une adaptation de ce qui a fait ses preuves sur cette population. Par ailleurs tout ce que font les Okinawaiens n’est pas idéal : par exemple, ils n’utilisent pas l’huile d’olive, ce qui est dommage, boivent du saké, pas du vin rouge, alors que beaucoup d’études montrent l’intérêt santé du vin rouge. Le Parcours intègre donc ce qui marche à Okinawa, ce qui marche ailleurs et le résultat des nombreuses études modernes dont nous disposons aujourd’hui. C’est la même chose pour les compléments. Ils peuvent apporter des plus qu’une alimentation même très bien choisie ne peut techniquement pas apporter. Comme nous ne sommes plus obligés d’amener dans un seau l’eau dans la maison, de faire la lessive à la main, d’étendre le linge, de mettre du charbon ou du bois dans la chaudière, de monter les étages… nous avons progressivement réduit le nombre des calories que nous ingérons. Nous mangeons presque pratiquement moitié moins qu’il y a 100 ans. Donc forcément aussi moins de vitamines et de minéraux. Par ailleurs nous sommes « supplémentés » en stress et en polluants qui nous volent encore des vitamines et des minéraux utilisés pour les combattre ou réparer les dégâts qu’ils font. La complémentation est comparable à l’habillement. On a une thermogénèse qui, naturellement garde notre température à 37°, mais quand il fait froid cela nous coûte beaucoup d’énergie, et le fait de se couvrir en épargne pour faire autre chose, pour mieux se défendre contre les virus et les bactéries… Le « complément vestimentaire » nous apporte un plus d’énergie, de résistance immunitaire, de liberté de bouger (au lieu de greloter)… Le complément alimentaire peut de même optimiser les niveaux d’énergie, les défenses anti-infectieuses, la concentration, la mémoire, les défenses antioxydantes, la capacité de neutraliser les polluants et contribuer à réduire le risque de nombreuses pathologies. On sait depuis longtemps qu’il est nécessaire de prendre de la vitamine D l’hiver pour mieux absorber le calcium (ce qui est très peu fait dans nos populations à part chez les très jeunes enfants). Elle contribue aussi à réduire les risques de certains cancers et la mortalité. Les études plus récentes montrent que l’alimentation n’apporte pas suffisamment d’iode, de magnésium, de vitamine B6, de vitamine E, un antioxydant essentiel, de zinc et de vitamine B9 après un certain âge pour ne pas faire de déficits. Il y a donc la place pour des compléments quotidiens purement nutritionnels pour pallier les limites techniques de l’alimentation. Dans certains cas, les doses qui ralentissent le vieillissement et préviennent les maladies sont plus élevées que les doses qui préviennent simplement les risques de carence, de scorbut, de béri-béri… Par exemple une étude vient de sortir qui montre que des doses plus élevées de vitamine PP que celles apportées par l’alimentation divisent par cinq le risque de maladie d’Alzheimer. Il est donc expliqué pourquoi et comment prendre des compléments purement nutritionnels (pour ne pas faire de déficit) et quelle est la place de compléments anti-âge ou de prévention qui peuvent avoir à être prescrits par un médecin nutrithérapeute suite à un bilan clinique et des analyses biologiques.